Page:Gautier - Une larme du diable.djvu/99

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ALIX.

Qui es-tu donc, pour te dire malheureux étant sûr d’être aimé ?

SATANAS.

Je ne te dirai ni qui je suis ni quel est mon malheur ; aucune langue humaine ne pourrait donner une idée de ce que je souffre, aucune oreille ne doit entendre mon nom. Qu’il te suffise de savoir que jamais femme n’a été aimée par un homme comme tu l’es par moi. (à part.) Je commence vraiment à penser ce que je dis. Ô beauté ! ton effet est aussi puissant sur les diables que sur les anges.

ALIX.

Oh ! bien comme cela ! Ta voix est bien la voix des paroles que tu dis ; je te crois maintenant. Il y a dans ta personne quelque chose de fatal que je ne puis définir, qui m’effraie et me charme. On lit sur ton front un malheur irréparable ; tu es de ceux qui ne se consolent pas, et je donnerais ma vie pour te consoler. Je voudrais être plus belle que je ne suis. Je voudrais être un ange, car il me semble que ce n’est pas assez pour toi d’être simple fille des hommes.