Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/24

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Il ressort de ces notes de Cartier que les Toudamens venant du sud, c’est-à-dire les Iroquois de triste mémoire d’autrefois, deux ans avant la venue de l’immortel découvreur, avaient massacré, dans une île qui est le travers du Saguenay, près de deux cents personnes ; voici pour le fonds historique ; quant aux détails, naturellement, l’écrivain y a mis du sien, tout en faisant une étude sérieuse des endroits où habitaient les tribus en cause et le chemin qu’il fallut parcourir, les uns pour s’abriter, les autres pour venir les surprendre et les exterminer. Ceci posé, nous allons entrer dans le vif du sujet.

Le printemps était venu et sur la région du Témiscouata, la neige étant disparue, la chasse à l’orignal, au caribou, au castor, à l’ours, au vison, au loup-cervier, au porc-épic, à la loutre, était terminée ; c’était le temps alors, pour nos Malachites de descendre au bord du fleuve, aux embouchures des rivières pour y commencer la pêche et la chasse toujours abondante, lorsque le Saint-Laurent vient à peine de se libérer des glaces amoncelées de l’hiver, glaces fondues par le soleil et les vents doux de la fin d’avril.

Un jour, cinquante familles sauvages de cette région, qui s’étend de Témiscouata jusqu’à Métis avaient abandonné leur wigwams pour venir s’établir à la Baie du Bic et y vivre pendant quelques temps de cette vie douce de printemps, en face de la mer si belle, si vaste, si attirante, surtout lorsque le soleil vient jeter sur cette nature printanière ses rayons attiédis et vivifiants. Mais pourquoi essayer de décrire ainsi nos plages d’eau en bas de Québec ? Ne suffit-il pas de les nommer de leur nom de Kamouraska, Rivière-du-Loup, Cacouna, Trois-Pistoles et le Bic ? Le Bic surtout, cet endroit d’un pittoresque ravissant où l’on admire sans cesse une baie de proportion majestueuse que le regard embrasse en un instant, où l’on voit une plage coupée de dentelures et accidentée de falaises, de monticules, de caps et de champs où pousse une herbe saline, où l’on aperçoit deux belles rivières qui descendent des monts voisins, déversent leurs eaux pures aux deux extrémités de la baie ; en face, un peu au large, en pleine ouverture de la baie, rétrécie à sa sortie vers le fleuve, deux îlots escarpés immobiles