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il vous venait un soupçon sur ma sœur, qu’elle vous rappelle vos injustes défiances.

— Je l’accepte, dit M. d’Auterres.

— Et moi je prends l’autre, lui dis-je. Je vous la rendrai le jour où ma sœur me la redemandera. »

« Voilà dix ans qu’ils sont mariés, et M. d’Auterres n’a pas encore osé raconter à sa femme ce dont il a osé la soupçonner ; aussi l’ai-je gardée. Voilà l’histoire de cette pantoufle. »

Cependant le temps se passait et Lise tout à fait remise furetait partout comme un enfant curieux. À ce moment, un domestique entra et déposa un énorme paquet de Petites Affiches sur la table.

« Voilà ce qu’a demandé monsieur le marquis.

— Bien, » fit celui-ci en les jetant dans l’encoignure d’un meuble et en revenant à M. et Mme Laloine pour les empêcher de voir ce que ce pouvait être, et il leur dit en même temps :

« Est-ce que vous êtes curieux de ces petites choses ? j’en ai une collection dans ce cabinet, veuillez y passer. »

Il entra avec M. et Mme Laloine, mais Lise ne les suivit pas.

Léonce était sur les épines ; heureusement, M. Laloine ayant aperçu quelques objets soigneusement placés sous un verre, demanda ce que c’était.

« Oh ! ceci est très-précieux, dit Léonce, ceci a appartenu à l’Empereur. »

À ce nom, M. Laloine se redressa.

« À l’Empereur ! répéta-t-il ; ah ! vous êtes bien heureux !…

— Cette tabatière lui a appartenu et il s’en est servi.

— Permettez que je la voie, » dit M. Laloine d’un ton presque ému.

Léonce la tira de dessous le globe, et une idée heureuse lui vint tout à coup,

« Vous avez été militaire, monsieur Laloine ?

— Oui, monsieur, reprit Laloine avec un gros soupir, de 1808 à 1814.

— Eh bien, monsieur, un pareil objet, qui n’est qu’une curiosité pour moi, vous serait peut-être bien précieux ; permettez que je vous offre cette tabatière.

— Ah ! monsieur, jamais… je ne voudrais pas.

— Je vous en supplie. »

Cela dura cinq minutes, mais M. Laloine accepta.