Page:Gayda - Ce brigand d’amour !, 1887-1888.djvu/5

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au dehors, un coq se mit à chanter, annonçant l’aube prochaine, et elle reprit courage.

Plus calme, une pensée nouvelle lui vint, qui aurait dû être la première : avant de rien tenter, elle irait consulter Pierre, lui conter tout, et lui saurait peut-être la sauver. Une fois résolue ainsi, elle s’apaisa peu à peu, ses yeux se séchèrent, les sanglots achevèrent de lui soulever la poitrine, et elle s’endormit d’un sommeil de plomb.

Sur les six heures, sa mère la réveilla, la fit lever et, toutes deux, sans faire aucune allusion aux choses de la veille, allèrent distribuer le grain à la volaille et préparer la pâtée pour les porcs qui grondaient à l’envi dans leurs bauges. À huit heures, le père, sorti dès le point du jour pour labourer, rentra déjeuner avec elles et, le frugal repas terminé, comme le soleil déjà levé depuis longtemps avait séché les pâturages, Marion délivra le troupeau et partit avec lui.

Tant qu’elle fut en vue de la ferme, elle marcha droit devant elle dans la direction du grand pré ; mais au coin du petit bois, abritée par les chênes verts, elle fit un détour, traversa les bruyères, et prit le sentier du grand ravin où elle savait que Pierre émondait les branches basses des peupliers.

— Ohé ! Pierre !… cria-t-elle.

Mais celui-ci, qui l’avait entendue venir, s’avançait déjà au-devant d’elle. À sa vue, elle fut prise d’un tremblement.

— Oh ! Pierre, si tu savais… dit-elle.

Et elle fondit en larmes. Pierre, tout ému, la consola doucement. Alors, la tête baissée, comme si elle lui eût avoué un crime, elle lui dit tout.

— Malheur ! cria Pierre. Gare au premier qui te touche tant seulement du bout des doigts. Je le tue comme un chien !…

Et, les bras nus, la chemise ouverte laissant voir son buste nerveux et velu, il leva sa hache avec un geste si terrible que Marion recula épouvantée. Mais, laissant tomber l’outil redoutable à ses pieds, dans l’herbe, il tendit les mains vers la belle fille muette d’admiration pour ce gars décidé qui l’aimait jusqu’à ne pas reculer devant un forfait, s’il ne pouvait l’avoir qu’à ce prix.

Ils restèrent un moment enlacés, trop émus l’un et l’autre pour rien dire. Puis comme Marion demandait timidement ce qu’il fallait faire :

— Il y a peut-être bien un moyen ; mais je ne sais point si tu voudrais, lui dit-il tout bas à l’oreille… Pourtant, je crois que comme ça notre maître n’aurait plus envie de toi et que ta mère nous laisserait épouser… ça serait…

— Ça s’rait ? demanda-t-elle palpitante et prévoyant la réponse.