Page:Gayda - Ce brigand d’amour !, 1887-1888.djvu/7

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et voulant jouir des derniers rayons du soleil couchant, Fifone a renvoyé sa voiture. Toutes deux, pareilles à deux sœurs, sont revenues à pied, bras dessus, bras dessous le long des Champs-Élysées, jusqu’à la rue de Berri, goûtant le charme tranquille de la renaissance hâtive du printemps. Cependant, comme malgré leur lente et douce flânerie, le dîner n’est pas prêt encore à leur arrivée, elles sont allées dans le boudoir lilas et bleu de ciel, causer un peu en attendant.

— Si tu voulais être bien, bien gentille, dit Olivette, que le luxueux petit hôtel de la jeune diva émerveille, tu me montrerais tous tes bijoux, depuis les plus précieux jusqu’à ceux auxquels tu tiens le moins !

— Je veux bien, dit Fifone

Et elle va chercher ses écrins qu’elle ouvre et vide pêle-mêle sur les genoux d’Olivette. Celle-ci, éblouie, les pupilles dilatées à la vue de tant de merveilles, contemple, sans oser y toucher, le magnifique éclat des diamants et des perles fines, des améthystes et des rubis, des béryls et des chrysoprases, des coraux et des émeraudes, des chrysolithes et des topazes, des turquoises et des opales ; le précieux travail des montures d’or et la finesse des émaux ; et elle rêve qu’elle a devant ses yeux le fabuleux trésor du palais enchanté qui revient dans tous les contes de fées. Fifone, que sa surprise amuse, prend chaque joyau un à un pour les lui faire admirer en détail et la pare à la fois de toutes les bagues, de tous les colliers, de toutes les agrafes, de toutes les épingles, de tous les bracelets et de toutes les boucles d’oreille qu’elle pique sur son corsage comme autant de décorations. Puis, la menant devant une large glace de Venise, elle la laisse se regarder ainsi ; mais Olivette qui ne sait ce qu’elle aimerait le mieux parmi tant de splendeurs :

— Dis-moi, Fifone ? De tous tes bijoux, lequel préfères-tu ? Lequel t’est le plus cher ?

— Celui qui m’est le plus cher ? répond la belle actrice tout à coup devenue grave. Je ne te l’ai pas montré encore… Le voici ! ajouta-t-elle, en sortant d’un long coffret en bois de santal un éventail japonais de cinquante sous qu’elle ouvre sous le nez d’Olivette ahurie.

— Eh ! quoi… cet éventail ? Tu veux rire, sans doute…

— Lis, dit Fifone sans se départir de son air sérieux et montrant entre un vol de cigognes et une rangée de pivoines fleuries, écrits d’une écriture fine et serrée dans le pli des feuillures, les vers suivants :

L’éventail aux doigts, mieux qu’une Espagnole,
De ses amoureux Fifone rira,
Et d’une coquette et tendre torgnole,
S’ils osent oser, les repoussera.