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histoire du mouvement janséniste

ses amis annonçaient aux disciples de saint Augustin une persécution qui serait terrible, éternelle, parce que les Jésuites sont des gens qui ne pardonnent jamais, qui ne désarment jamais, et qui finissent toujours par exterminer ceux qu’ils haïssent en leur imputant des hérésies. À cela le docteur Taignier répondit que jamais les disciples de saint Augustin ne sortiraient de l’Église catholique sous aucun prétexte, quelque violente que pût être la persécution, et l’engagement qu’ils prirent alors dans un salon protestant, leurs successeurs le prendraient encore.

Ils diraient comme Taignier en 1653 : « Qu’on nous excommunie, qu’on nous déclare hérétiques, qu’on nous prenne tous nos biens, nous souffrirons tous ces maux avec patience ; nous obéirons et nous ne nous soulèverons point contre ceux qui nous affligeront. Nous ne ferons rien de contraire à l’obéissance et qui puisse en cette occasion donner le moindre scandale à l’Église de Dieu par quelque rébellion. » Conrart et ses amis ne comprirent pas, — et j’ajoute que Sainte-Beuve, pour les mêmes raisons, ne comprend pas davantage, car c’est en constatant cet état d’esprit qu’il a osé dire, non plus il est vrai en 1840, lors de sa première ferveur, mais au temps de sa reprise désenchantée, en 1846 : « Une fois dans cette double voie, le jansénisme est perdu, et j’ajouterai : Il le mérite ! Saint Cyran, où es-tu ?[1] » Il le mérite ? il y eut donc aux yeux de Sainte-Beuve, crime ou faute, erreur ou sottise : Port-Royal n’avait pas de chef, il n’a pas su se faire craindre.

Après avoir passé en revue ceux qui attiraient le plus l’attention publique, M. de Saci admirable pour

  1. Port-Royal, tome I, II p. 20.