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chapitre xiii

autant que Noailles, sinon plus ; mais, comme dit Saint-Simon, ils n’osaient pas aboyer contre lui. Après la Bulle, ils auraient osé, et ils avaient un allié à la vie et à la mort dans la personne de Fénelon. L’archevêque de Cambrai n’avait pas pardonné à ceux qu’il appelait ses ennemis la condamnation des Maximes des Saints ; il était altéré de vengeance, et dans l’affaire de la Bulle il déploya — les archives du Vatican en fournissent des preuves multipliées et décisives — une activité fébrile. Lorsque la Constitution parut, il exulta ; « Cent une propositions condamnées ! s’écria-t-il ; quelle honte pour les approbateurs d’un tel livre ! » Et il ajouta qu’il fallait condamner également les approbateurs, c’est-à-dire Noailles et surtout Bossuet. Il mourut en janvier 1715, à la porte de toutes ses espérances, dit Saint-Simon, car les Jésuites l’avaient réconcilié avec le roi ; il allait rentrer en grâce et devenir ou légat du pape dans un concile national ou président d’un tribunal ecclésiastique chargé de juger et de condamner Noailles, dont le chapeau de cardinal lui serait attribué. « Il nous manque bien au besoin », dit tristement Louis XIV en apprenant la mort de l’auteur de Télémaque[1].

En demandant au pape une Bulle contre Quesnel, on avait promis de la faire accepter sans opposition d’aucune sorte ; le roi se hâta de tenir sa promesse, et

  1. Le docteur Gaillande, agent du pape et des Jésuites, écrivait en septembre 1714 au sujet de Fénelon : « Il n’y a personne dans tout le royaume à qui le Saint Père puisse confier plus sûrement ses intérêts qu’à M. de Cambrai. En janvier 1715, voici comment il déplorait la mort du prélat : « C’était le seul du royaume qui pût faire revenir les esprits, et dont la haute vertu, les grandes qualités personnelles, le mérite et la science profonde pussent servir de rempart contre les ennemis de l’Église, d’autant plus que le roi devait le faire revenir en cour incessamment, et que tout était disposé pour cela… » — Archives du Vatican. — Francia, Giansenismo, 2258. Transcription faite par M. Silvy aux Archives nationales en 1814.