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histoire du mouvement janséniste

rois, ils rapportent tout à l’autorité royale ; très nécessaires dans un état monarchique, mais mauvais républicains. Les Pères de l’Oratoire au contraire sont très instruits de la politique du peuple ; ils rapportent tout au peuple, excellents personnages dans une république mais mauvais sujets des rois. » En conséquence le correspondant du Père Tellier ne voulait pas que l’on contraignît les Oratoriens à faire des vœux comme le proposaient quelques-uns de ses confrères ; il se prononçait pour la destruction immédiate et radicale d’un ordre aussi dangereux pour l’État et pour la Compagnie de Jésus. La lecture de ces quelques phrases éclaire d’un jour absolument nouveau le rôle des Oratoriens en face de la Bulle, et celui des Jésuites en face de l’Oratoire dans la première moitié du xviiie siècle.

Les Oratoriens, que le Père Tellier traitait de jansénistes incorrigibles et impénitents, bien qu’ils eussent à plusieurs reprises signé le Formulaire, appelèrent pour ainsi dire en masse à la suite de leur ancien confrère Soanen, et si l’on voulait dénombrer les membres de l’Oratoire à la date de 1718, il suffirait de se reporter dans le Recueil de Nivelle aux listes des appelants. Le Père de la Tour, leur général, était à leur tête, car il avait jugé dès 1714, que l’appel au Concile était d’une nécessité absolue. Mais avec le temps, surtout à dater de 1720, son zèle s’était refroidi. Il se disait qu’il n’y a pas dans l’Église d’affaire interminable, et que, puisqu’il fallait en finir, l’acceptation de la Bulle était à son tour une nécessité inéluctable. Il comparait l’appel au Concile à l’emploi de l’émétique en médecine, un remède énergique, mais dangereux, et ce fut lui qui travailla le plus à affaiblir ses confrères. Il conseillait même, ce qui n’est peut-être pas à sa louange, une acceptation formelle et tout extérieure