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chapitre III

faisait communier sans difficulté les pécheurs qui, de leur propre aveu, étaient « remplis de l’amour d’eux-mêmes, et si attachés au monde que de merveille ». Le fait de mettre quelques jours de pénitence entre la confession et la communion lui paraissait un stratagème du diable. Le Père de Sesmaisons était ainsi en contradiction absolue avec deux jésuites espagnols dont l’un vivait encore, et qui avaient écrit d’une manière très édifiante sur la communion plus ou moins fréquente. Arnauld reçut du prisonnier de Vincennes l’ordre de réfuter cet écrit pernicieux, et son livre parut le 25 août 1643, chez Vitré, imprimeur du roi, avec un très beau frontispice de Philippe de Champaigne. Il était signé et muni des approbations de quinze évêques ou archevêques et de vingt docteurs. Arnauld réfutait son adversaire avec beaucoup de modération, sans le nommer, sans parler de la Compagnie de Jésus, sans provoquer personne. La Fréquente Communion, qui est une très belle œuvre littéraire digne de Balzac, était en même temps un ouvrage d’édification que l’on a pu comparer à la Vie dévote de saint François de Sales. L’auteur n’avançait rien sans preuves ; il s’appuyait sur les Pères de l’Église grecs ou latins, et non sur le seul saint Augustin, qu’il citait simplement à son rang. Il ne dédaignait pas les modernes il parlait avec un profond respect du concile de Trente, de saint Charles Borromée, du saint évêque de Genève et enfin du jésuite saint François-Xavier, que Saint-Cyran vénérait extraordinairement. Il était en un mot d’une réserve, d’une discrétion, d’une modestie qui auraient dû désarmer ses adversaires, et pour la doctrine, il était si peu l’adversaire de la communion très fréquente qu’on lit dans sa Préface, non sans une certaine surprise, le passage suivant : « Tous ceux qui condui-