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histoire du mouvement janséniste

avilie. On se rabattit donc sur la cour de Rome ; Cornet, qui n’était plus syndic, cessa de jouer le premier rôle, et il passa la main au docteur Habert, à celui-là même que les Apologies de Jansénius avaient réduit au silence et qui était altéré de vengeance. Habert venait d’être nommé évêque de Vabres, la protection des Jésuites lui avait valu cette fiche de consolation ; il se fit le chef de l’entreprise, et il écrivit à Innocent X, en 1650, uniquement pour lui demander une condamnation solennelle des cinq propositions de Nicolas Cornet, une lettre très courte qu’a publiée dom Clémencet (III, 247). Il n’est plus question cette fois de nouveautés anonymes ; Jansénius est nommé, et c’est sa doctrine qui est incriminée. Les cinq propositions sont énumérées comme étant de lui, sans qu’on le dise clairement. Et la lettre finit en souhaitant au Saint Père de longues et heureuses années, et même « un siècle de vie » en attendant l’heureuse éternité. C’était une chose inouïe dans les fastes de l’Église de France qu’un évêque fit ainsi la leçon au pape et transformât le Saint Siège en simple bureau d’enregistrement, chargé de confirmer et de contresigner des condamnations faites par des particuliers. Habert ne demandait pas que le livre de Jansénius fût déféré à Rome comme l’avait été celui de Molina ; il simplifiait le travail de la Curie en présentant au pape une censure toute dressée que ses amis avaient fait imprimer et répandre dans Paris[1]. L’évêque de Vabres n’osa pas soumettre sa lettre à l’assemblée du clergé qui se tenait alors ; il parvint pourtant à la faire contresigner par quatre-vingt-cinq évêques auxquels on demanda séparément leur adhésion. « La plupart d’entre eux, dit Racine, ont avoué qu’ils l’avaient

  1. Gerberon, Histoire générale du Jansénisme, I, 312.