Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 2.djvu/299

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Sainte-Beuve et ceux qui ont marché à sa suite sont partis de ce principe faux que Port-Royal prétendait innover et dogmatiser pour son compte, et qu’il avait un système théologique à lui, à la manière de Calvin. Rien n’est plus contraire à la vérité, et l’histoire des trois siècles que nous venons d’étudier avec une attention scrupuleuse nous a démontré que les prétendus jansénistes n’ont jamais en d’autre préoccupation que celle de contrecarrer des novateurs audacieux, de maintenir dans leur intégrité les vérités séculaires que reconnaît l’Église tout entière, la toute‑puissance de Dieu se conciliant d’une manière mystérieuse avec le libre arbitre de l’homme.

Pénétrés de ces sentiments et imbus de ces principes, les vrais disciples de Port-Royal ont donc par‑dessus toute chose la passion de l’orthodoxie et l’horreur du schisme. Ils croient de bouche et de cœur tout ce que l’Église croit : et ils sont prêts à réciter sans en modifier une ligne le symbole des Apôtres, le symbole de Nicée, le symbole de saint Athanase inséré dans l’office de prime, et enfin la profession de foi du pape Pie IV, sorte de symbole du concile de Trente que les port-royalistes modernes ont fait réimprimer en 1870. Ils ne soumettent point les dogmes à l’examen de la raison, parce que Pascal leur a appris à dire : « Humiliez-vous, raison impuissante », mais ils définissent le dogme à la manière de Tertullien, de saint Vincent de Lérins, et même de Pie IX auteur de la Bulle sur l’Immaculée Conception[1] ce qui a toujours été cru, par tous et en tous lieux : quod semper, quod ubique, quod ab omnibus creditum est. Comme saint Paul, ils diraient anathème à un envoyé de Dieu

  1. Voir ci-dessus, p. 259.