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SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

milieu de ces mille embarras, et si vous vous armez contre toutes les tentations qui vous viennent de vos enfants, de votre épouse, de vos serviteurs et de votre fortune. Qui n’a point de fanjille a supprimé par là même la meilleure partie des tentations. Ainsi, l’homme qui ne s’occupe que de lui-même est surpassé par celui qui, inférieur dans les choses de son salut, mais supérieur dans la dispensation de ce qui concerne la vie matérielle, reproduit une image affaiblie de la Providence par sa sollicitude pour la vérité.

Mais nous avons l’obligation d’exercer notre âme par tous les efforts possibles, afin qu’elle marche d’une allure libre et dégagée sous le fardeau de la connaissance. Ne voyez-vous pas comment la cire se liquéfie, comment l’airain se purge de ses parties grossières pour recevoir une nouvelle empreinte ? De même que la mort est la séparation de l’âme d’avec le corps, de même la connaissance est comme une mort spirituelle par laquelle l’âme, dégagée et isolée des passions qui la troublent, s’élève à une vie de bonnes œuvres, jusqu’à pouvoir dire à Dieu avec une sainte liberté : Je vis de ta vie. Votre but est de plaire aux hommes, vous ne pouvez conséquemment plaire à Dieu. La plupart, en effet, choisissent moins ce qui est expédient que ce qui leur est agréable. Au lieu de cela, quiconque plaît à Dieu, se rend par là même cher aux hommes de bien. Ne demandez donc plus que les délices de la table ou les voluptés des sens conservent quelque attrait pour lui, puisque tout discours, toute application de sa pensée, toute action d’où peut naître un plaisir, il les tient pour suspects. « Nul, en effet, ne peut servir deux maîtres, Dieu et Mammon ; » paroles qui, dans leur simplicité, ne signifient pas l’argent, mais l’abondante pâture qu’il fournit aux différentes passions. J’estime qu’il est réellement impossible à l’homme, qui a connu Dieu dans l’éclat de sa magnificence et de sa vérité, de s’assujettir ensuite en esclave aux passions qui s’élèvent contre son maître. Il n’y a donc d’entièrement libre de tout mouvement désordonné, et libre dès l’origine, que le Seigneur miséricordieux qui s’est fait homme