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VI
TABLEAU HISTORIQUE

tion, et fit mourir ceux qui en avaient été les témoins. Par ses ordres une foule d’espions et de délateurs remplit l’Italie et les provinces. Il fit enfermer dans des peaux de bêtes nouvellement égorgées plusieurs des malheureux qu’il destinait à la mort ; d’autres furent livrés à des animaux féroces, d’autres assommés. Son camp était le siége de son empire. La haine générale qu’il inspirait amena une révolte en Afrique, et les révoltés proclamèrent Gordien empereur. Gordien descendait des Gracques par son père, de Trajan par sa mère, et le palais de Pompée appartenait à sa famille. Il était âgé de quatre-vingts ans. Son fils fut proclamé empereur avec lui. Carthage et Rome les reconnurent. Mais le jeune Gordien ayant péri dans un combat, et son père s’étant donné la mort, le Sénat nomma deux autres empereurs, Maxime et Balbin, l’un pour rester à Rome, l’autre pour marcher contre Maximin. Le peuple demanda un troisième empereur de la famille des Gordiens, et un enfant de treize ans, petit-fils du vieux Gordien, fut montré au peuple avec les ornements et le titre de César.

Maximin vint mettre le siége devant Aquilée, où il trouva une grande résistance, il fut assassiné dans sa tente avec son fils et les principaux ministres de sa tyrannie. Tel fut le sort bien mérité de ce sauvage féroce, qui avait huit pieds, mangeait trente ou quarante livres de viande, buvait vingt-cinq pintes de vin, traînait une charrette chargée, écrasait des pierres dans sa main, cassait d’un coup de poing la jambe d’un cheval, et déracinait de petits arbres. Les prétoriens conservèrent un profond ressentiment de tout ce qui s’était passé. Les empereurs choisis par l’armée avaient péri honteusement. De simples particuliers, revêtus de la pourpre par le sénat, étaient assis sur le trône. La puissance civile triomphait de la puissance militaire. Les prétoriens assassinèrent Maxime et Balbin. Ainsi, en peu de mois six princes avaient péri par l’épée. Le jeune Gordien resta seul empereur. À la vue de ce hideux spectacle de crimes et d’horreurs, qui ne reconnaîtrait la nécessité de l’apparition des Chrétiens, et si l’on n’apercevait déjà les Barbares vengeurs de tant de férocité et le triomphe du Christianisme, on ne comprendrait rien à cette époque !