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premier point visible au-dessous du cirque dont il vient d’être question, j’ai mesuré exactement la dénivellation, qui est. de 73m,55. Cet endroit, en face du village de Chevinay, qui se voit à trois ou quatre cents mètres de l’autre côté du Pleinet, est à l’altitude de 480 mètres, et se nomme Les Thus[1], mot qui désigne les ruines mêmes de l’aqueduc. Quoi qu’il en soit de l’origine de ce vocable bizarre, les thus de Chevinay présentent un aspect digne d’attention : ils forment sur près de cinq cents mètres une longue bande de maçonnerie à découvert, servant de soutènement au chemin qui conduit à Saint-Pierre-la-Palud. Ce massif est effondré en maint endroit par où l’intérieur du canal est accessible. Les intervalles couverts servent aux habitants de Chevinay pour y remiser leurs instruments de travail, leur bois de chauffage, etc. On peut donc ici mesurer facilement toutes les dimensions : la hauteur et la largeur sont pareilles sensiblement à celles qui ont été relevées à Biternay, soit 0,79 de largeur entre les parois lisses pour 1m,69 de hauteur sous clef. Mais il y a quelques différences avec le profil de La Valsonnière en ce qui concerne les garnitures de béton et de ciment (fig. 11). Le béton, au lieu de former simplement la semelle du radier, se prolonge aussi dans l’épaisseur des piédroits, et le revêtement superficiel en ciment est plus mince. Enfin, la voûte est moins épaisse que les piédroits, et l’extrados est protégé par une enveloppe de maçonnerie qui le surmonte de quelques centimètres et fait de l’ensemble un massif rectangulaire.

Au delà des Thus, sur la commune de Saint-Pierre-la-Palud, l’aqueduc se voit au-dessus du hameau du Mas, près de l’endroit où la route venant de Pollionnay rejoint celle qui conduit à Sain- Bel. Il fait ensuite une double boucle, franchit le col de Marmion, au-dessous du crêt de même nom, et arrive sur la commune de Sourcieux. Entre Les Thus et Marmion, dans un certain espace que je ne saurais préciser[2], a lieu une nouvelle chute d’altitude,

  1. Cette dénomination n’est pas spéciale aux ruines de Chevinay : on dit un peu partout dans la région thus ou trou de Sarrasin, indifféremment. Thus est donc peut-être une simple corruption patoise du mot trou. D’autres assignent à ce mot des origines plus lointaines et plus arcanes. Je n’aborderai pas la discussion.
  2. Ce doit être peu après Le Mas, car cette chute devait avoir pour but de capter, au fond de l’étroite vallée où se dessine cette longue boucle rentrante qui fait suite à la boucle saillante du Mas, une série de sources dont les eaux sont actuellement recueillies dans un grand bassin réservoir établi par la Compagnie de Saint-Gobain, pour l’approvisionnement d’eau de ses usines à Saint-Pierre-la-Palud. Ce bassin est précisément vers le point de rebroussement de l’aqueduc.