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instruits ils faisaient passer plus commodément les eaux de Furand dans le ruisseau de Janon, au village de Rochetaillée qui est sur la montagne à une lieue en deçà de Saint-Étienne, où l’une et l’autre rivière coulent dans de profonds vallons, mais dont les grandes pentes peuvent fournir les moyens de prendre et d’élever les eaux dans un vallon pour les faire passer dans l’autre[1]. » Ce serait possible, en effet, mais cela n’est pas. Toutes les sources supérieures du Furens jusqu’à Rochetaillée ont été reconnues, captées en partie pour l’adduction d’eau à la ville de Saint-Étienne, et nulle part on n’a vu trace de captages ou de dérivations antiques dans cette haute vallée[2]. Mais cette conjecture vague de Delorme a suffi à quelques Stéphanois férus d’archéologie pour croire à une communication souterraine établie par les Romains entre la vallée du Janon et celle du Furens ; ils prétendent même qu’on apercevait encore, il y a une cinquantaine d’années, en remontant cette dernière vallée, au-dessous du village de Rochetaillée, l’ouverture du tunnel par où cette communication se serait opérée. Mais j’ai cherché inutilement à en découvrir quelque trace. C’est là une de ces légendes[3] contre lesquelles il faut prudemment se tenir en garde.

Au surplus, rien ne prouve mieux, ici encore, les fructueux travaux de Delorme et sa sagacité dans la seconde période de ses recherches que l’examen de la carte d’Artaud (Pl. I), seul résultat malheureusement qui subsiste de celles-ci Il n’a représenté aucune conduite unissant les eaux du Furens à celles du Gier, tandis qu’il n’a pas hésité à tracer cette branche d’aqueduc du Janon qu’il avouait, en 1760, n’avoir pas plus retrouvée que celle du Furens.

  1. Ibid., p. 18.
  2. Je tiens cela de source assurée, l’ayant entendu certifier par l’auteur même de ces grands travaux, M. de Montgolfier.
  3. Rapprochement curieux : Pline l’Ancien se fait l’écho, dans son Histoire naturelle (xxxvi, 24), d’une croyance populaire analogue, d’après laquelle l’eau Marcia, qui alimentait Rome, serait venue du pays des Marses dans la vallée de l’Anio en traversant la montagne. « Oritur (Marcia) in ultimis montibus Pelignorum : transit Marsos et Fucimim lacum, Romam non dubie petens. Mox in specus mersa, in Tiburtina se aperit, novem millibus passuum fornicibus structis perducta. » Cette légende était probablement favorisée par la similitude des syllabes, Marcia, Marsi, ainsi que le fait ressortir le vers de Stace (Silves, i, 5), propagateur de la même légende :

    Marsas… nives et frigora ducens
    Marcia.