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Prise d’eau de Zaghouan pour l’aqueduc de Carthage. — Le bassin de la source de Noé ne fut pas construit avec luxe ; on n’eut en vue, en l’établissant, que son résultat pratique, et ce serait une raison de plus pour le faire remonter au premier siècle. Plus tard, en effet, on verra se manifester le souci de l’ornement, la recherche du grandiose ou du gracieux dans les travaux de ce genre. Alors s’élèveront quelquefois, au-dessus des bassins de captage, de larges esplanades ornées de statues, tandis qu’au-dessous l’eau s’échappera en nappes transparentes et en cascades. Telle fut la prise d’eau avec nymphée, à l’origine du grand aqueduc de Carthage, construit sous le règne d’Hadrien[1]. Elle se trouve, à Zaghouan, à 132 kilomètres du point d’arrivée. Ayant eu l’avantage de la visiter en détail, je ne crois pas inutile d’en donner ici la description, qui nous permettra de restituer avec vraisemblance, par analogie dans sa disposition technique, une des prises d’eau les plus importantes des aqueducs de Lyon, celle de la vallée de l’Orgeolle, origine du canal de La Brévenne.

A un kilomètre au-dessus de Zaghouan, au sud-ouest, au pied d’une gigantesque muraille de rochers (Djebel-Zaghouan, Mons Zeugitanus), sur une plate-forme qui domine le pays, s’élève un monument peut-être unique en son genre parmi tous les édifices qui subsistent de l’empire romain. C’est un nymphée grandiose, presque un temple. Il se compose d’une enceinte semi-circulaire formant terrasse A, (fig. 61), sous laquelle l’eau vient sourdre des veines et des fissures de la montagne pour se rassembler dans un bassin de forme elliptique B. à 3 mètres plus bas que la terrasse. À droite et à gauche du bassin, deux escaliers de quinze marches chacun et de 2 mètres de large donnent accès à cette terrasse, longue de 30m,20 sur 20m,20 de largeur, et autour de laquelle circule une galerie, jadis couverte et soutenue par des colonnes. À l’extrémité opposée au bassin,

  1. Cette prise d’eau était encore assez bien conservée, au milieu du siècle dernier, dans ses éléments essentiels, pour qu’on ait pu l’utiliser presque sans modification pour l’approvisionnement de la ville de Tunis. On a suivi à peu près en entier le tracé de l’aqueduc qui en était issu, et dont beaucoup de parties ont pu servir également, avec quelques restaurations. L’aqueduc d’Hadrien n’était peut-être lui-même que la reconstruction d’un très ancien ouvrage carthaginois, totalement ruiné depuis la destruction de la ville par les Romains.