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mètre (0m,0002), ou de 20 centimètres par kilomètre[1]. C’est une pente au-dessous de laquelle on ne descend que rarement, même de nos jours. Ainsi, l’aqueduc encore en construction qui doit amener à la ville de Saint-Étienne les eaux du Lignon (Haute-Loire), ouvrage considérable, aménagé d’après les derniers progrès de l’art hydraulique, offre une pente uniforme de 0m,50 par kilomètre. L’aqueduc de l’Avre, alimentant Paris depuis 1893, comprend deux sections, dont l’une a 0m,40 de pente régulière par kilomètre, l’autre 0m,30. La pente du canal de la Dhuis, qui n’est que de 0m,10, et celle de l’aqueduc de la Vanne, qui varie de 0m,10 à 0m,13, sont des pentes exceptionnellement réduites, et témoignent d’un véritable tour de force de la part de Belgrand, qui les a établies.

Cet ingénieur évidemment connaissait les difficultés qu’il y a, même avec les instruments modernes, à maintenir les pentes très petites sans s’exposer à créer des contre-pentes, de nature à compromettre le fonctionnement de toute la conduite. Il a pensé que les Romains, par précaution, se refusaient à descendre au-dessous de 0m,50 par kilomètre. Voici son raisonnement.

« Les contre-pentes étant inadmissibles dans un aqueduc, il fallut nécessairement tenir compte de l’imperfection de l’instrument et les Romains avaient trouvé un moyen simple d’y remédier ; ils adoptaient pour leurs aqueducs des pentes très fortes, (qui rendaient négligeable la petite erreur que le niveleur (librator) devait nécessairement commettre à chaque déplacement de l’instrument.

  1. C’est pour les conduites en poterie, mais libres, c’est à-dire où l’eau ne coule pas à pleine section, que Pline donne cette règle : « Ceterum a fonte duci fictilibus tubis utilissimum est crassitudine binum digitorum commissuris pyxidatis, ita ut superior intret, calce viva ex oleo laevigatis. Libramentum aquae in centenos pedes sicilici minimum erit ; si cunicuto veniet, in binas actus lumina esse debebunt. » Puisqu’il ne donne pas d’indication spéciale de pente pour le cuniculus, c’est-à-dire pour le canal maçonné, c’est donc que la règle donnée plus haut lui convient aussi. V. Rose justifie la correction de semipede par sicilico, en invoquant la probabilité d’une confusion qui s’est faite à la copie entre les signes S (semis) et Ƨ qu’aurait porté le texte original. Mais S est le signe de la sextula, et non du siciliens ; elle est égale aux 2/3 de celui-ci. Ce serait indiquer une pente minima encore plus faible. Il convient de s’en tenir à la correction sicilico, généralement admise. Quant à la règle donnée par Palladius (De re rustica, IX, ii), il faut évidemment la rejeter, qu’elle soit le fait de l’ignorance de l’auteur ou d’une erreur de copiste : « Si per planum aqua veniet inter centenos et sexagenos pedes, sensim structura reclinetur in sesquipedem. » — « Si l’aqueduc traverse un terrain plat, on lui donnera une pente graduelle d’un pied et demi sur cent-soixante pieds de longueur. » Ce serait fixer un minimum de 0m,937 pour 100, soit 9m,37 pour kil., ce qui est manifestement beaucoup trop fort.