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« La plus petite pente adoptée par eux que je connaisse est celle de l’aqueduc de Sens, entre les sources de Saint-Philbert et de Noé, qui est en moyenne de 0m,50 par kilomètre. Cette pente était évidemment regardée par l’ingénieur comme un minimum, car pour faire entrer la source de Saint-Philbert dans l’aqueduc, il en a relevé le niveau[1], au risque de la perdre[2]. »

Cet exemple particulier ne permet pas, croyons-nous, de conclure à une loi. En admettant que l’ingénieur qui a construit l’aqueduc de Sens n’ait pas osé établir une pente kilométrique de 0m,19 seulement, qui eût suffi, comme le dit plus loin Belgrand[3], pour relier le radier de l’aqueduc à Noé au plan d’eau naturel de la source de Saint-Philbert, il ne s’ensuit pas que tous les ingénieurs romains aient été aussi timides. Et si ce dernier parcours, à 0m,50 de pente moyenne, offre lui-même, comme le fait remarquer l’auteur, des irrégularités extraordinaires, — l’inclinaison variant de 0m,01 à 2m,47, — cela ne prouve rien contre la précision des instruments ou contre l’habileté des opérateurs, en raison même de l’énormité de l’écart. En effet, la pente de 2m,47 est unique et continue sur 550 mètres, de même celle de 0m,01 sur 820 mètres, le parcours étant de 4000 mètres. Partout ailleurs on s’est tenu entre 0,10 et 0,50, avec une moyenne de 0m,33. Les deux pentes extrêmes, 2m,47 et 0m,01, ont donc été très probablement voulues, pour des raisons que d’ailleurs nous ne pouvons connaître[4].

Frontin ne dit pas quelle était la pente aux neuf aqueducs de Rome qu’il décrit. Mais on peut, d’après quelques mots, comprendre que cette pente, au moins pour les plus récents, avait été établie avec beaucoup de soin. Les premiers avaient été construits, dit-il « nondum ad subtile explorata arte librandi »[5], « avant que l’art de niveler fût devenu minutieux ». Cela indique bien l’habileté qu’il reconnaissait aux niveleurs de son temps. En fait, ces pentes, notamment pour les plus récents des neuf aqueducs,

  1. V. ci-dessus, p. 143.
  2. V . Belgrand, ouvr. cité, p. 65.
  3. Ibid., p. 212.
  4. Quant à la contre-pente, elle peut avoir le résultat de la recherche d’une pente très faible, mais elle peut aussi n’avoir pas existé quand l’aqueduc était en bon état, si on ne l’a constatée que sur 48 mètres. Il a pu y avoir, au cours de tant de siècles, un mouvement de terrain qui a produit une inclinaison dans le sens opposé à la pente primitive.
  5. 5. De Aquis, 18.