Page:Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques, 1908.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 368 —

des cohortes urbaines à certains travaux publics est plus probable. Toutefois, l’on n’oserait dire qu’elles aient été employées à des entreprises de longue haleine et hors de Rome, telles que la construction des aqueducs. Il semble bien aussi que si l’élément militaire avait contribué à cette construction, Frontin y aurait fait au moins une allusion.

Travaux des légions dans les provinces. — Quoi qu’il en soit, un des grands principes du commandement militaire romain était que le soldat ne devait en aucun cas, soit en campagne, soit en garnison, rester oisif[1]. Dans les provinces, surtout dans celles où de nombreux corps de troupes se trouvaient massés, ce principe était énergiquement appliqué. L’esprit turbulent de ces grandes agglomérations eût fermenté en tout temps et dangereusement sans ces occupations matérielles qui offraient un aliment à une activité avide de s’entretenir. Indépendamment de l’ambition d’apparaître comme un bienfaiteur des nations, comme un génie civilisateur, Octave, en faisant, au sortir des guerres civiles, creuser par ses légions des ports et des canaux, percer des montagnes, assécher des marais, élever des édifices, avait un but plus immédiat : conjurer la transformation de ces troupes en bandes, de ces guerriers en pillards, de la discipline en anarchie, et finalement en subordination à un autre maître. Cette politique fut suivie par ses successeurs. Le travail des légions resta le puissant dérivatif contre le relâchement de l’obéissance et la mutinerie. Quand Vitellius, après la victoire de Bédriac, lit élever par les soldats de la xiiie légion des amphithéâtres dans les villes de Bologne et de Crémone, il songeait sans doute à les allécher par l’espérance des prochains spectacles de gladiateurs qui convenaient à leurs goûts violents[2] ; mais il faisait mieux : il les occupait. S’il eût pu occuper de même les cohortes prétoriennes et les autres corps de troupes, son rival Vespasien n’eût peut-être pas régné.

« Nous retrouvons les soldats romains, dit M. Choisy[3], construisant des amphithéâtres en Afrique[4], des murailles de

  1. Neque enim longitudo aetatis, aut annorum munerus artem bellicum tradit ; sed post quanta volneris stipendia, iuexcrcitatus miles semper est tiro (Végèce, Epit. iii, 23).
  2. Tacite, Histoires, ii, 67.
  3. Ouvr. cité, p. 206.
  4. Orelli, 6597.