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rigoureux, rude à l’attaque et solide à la défense, semblerait, en raison même de ces qualités, manquer de tact et de souplesse, une fois installé dans les pays conquis. Il n’en est rien. Commandant toujours en maîtres et souvent en despotes, les Romains ne s’attaquaient pas cependant aux mœurs de leurs nouveaux sujets : ils les modifiaient peu à peu par influence sans chercher à les transformer entièrement, et s’y accommodaient eux-mêmes dans une certaine mesure. De là cette fusion heureuse qui fit la race gallo-romaine. Quelque chose d’analogue se manifeste dans la conduite de leurs travaux. Ce sont des méthodes de construction au fond toujours les mêmes et reconnaissables partout, mais n’ayant aucun caractère de rigidité immobile, et tirant profit de toutes les ressources que fournit chaque pays, leur faisant rendre tout ce qu’elles peuvent donner. Les ouvrages hydrauliques romains ont dans les diverses provinces, en Italie, en Gaule, en Afrique, nous l’avons vu, une apparence extérieure qui les décèle avec évidence. Et pourtant quelle diversité dans les dispositifs : conservation des eaux pluviales dans de vastes citernes, barrages de rivières, captages de sources, drainages, etc. Les Romains ont réussi dans tous leurs procédés pour se procurer de l’eau, là où nous nous montrons souvent embarrassés ou négligents. Les aqueducs de Lyon sont un exemple étonnant de cette intelligente subordination aux circonstances. Les vallées sont trop larges et trop profondes pour être franchies par des arcades surélevées : on y fera plonger des siphons. Ces vallées sont nombreuses : les siphons seront multipliés ; au besoin l’on en fera deux successifs, et comme soudés l’un à l’autre. Il faut des quantités de plomb fabuleuses : les mines sont là pour les produire, et le fisc est assez riche pour les donner. Ni le poids, ni la difficulté des transports, ni la confection pénible et l’ajustage délicat des tuyaux, ni l’incertitude même du résultat qu’une science encore trop exclusivement empirique rend précaire, rien n’arrêtera ces travailleurs dans leur entreprise hardie. Et ils établissent des ouvrages qui font encore notre admiration, à nous modernes, pourvus que nous sommes de toutes les facilités que nous ont données le progrès scientifique et l’expérience accumulée des siècles.

Et c’est ainsi qu’à étudier ces œuvres, on n’accomplit point une besogne aride, un exercice de pure curiosité, un effort inutile.