Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/203

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trouve dans un pays qui me paroît enchanté, après la nouvelle Servie, la pairie des Nogays et des Budgiack, la Tartarie, et les environs de la Bessarabie, que je viens de quitter.

Un hiver affreux, dans une chaumière située au milieu d’une redoute de boue et de neige ; une campagne de six mois, sans voir autre chose que le ciel, la mer, et des herbes dans une pleine de 300 lieues, en voilà assez pour me faire trouver tout superbe après cela.

Depuis mon départ d’Élisabeth-Gorod, je n’avois pas rencontré une maison, ni un arbre, excepté dans les jardins du Bacha, près du retranchement d’Oczakow : j’ai embrasse là quelques arbres sous le plus grand feu de la place, tant j’ai eu de plaisir à les revoir. J’y ai même cueilli et mangé d’excellens abricots.

Une eau verte comme les cadavres de 5000 Turcs tués, brûlés, noyés par le prince de Nassau, étoit la seule boisson que nous eussions eue pendant cinq mois : ou bien de l’eau de la mer Noire qui n’est pas aussi salée que celle des autres mers.

Vous faites-vous une idée de mon bonheur, de trouver une fontaine charmante, sur la hauteur, avant de descendre dans Jassy ? J’ai baisé l’eau avant de la boire : et je l’ai dévorée des yeux avant d’en arroser mes lèvres, qui,