Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/327

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Fragment d’un Dialogue entre un Esprit fort et un Capucin.


L’Esprit fort. COMMENT ! y a-t-il encore de ces animaux-là ? que fais-tu donc ici, capucin indigne ?

Le Capucin, Je sais bien qu’on se le dit à soi-même, ou de soi-même ; mais pour un François vous n’êtes pas poli. Votre ancien duc d’Orléans, qui ne s’attendoit pas à être un bisaïeul d’Égalité, disoit très-drôlement, comme vous savez : — De quoi diable est-il donc digne s’il ne l’est pas d’être capucin ?

L’Esprit. Tu plaisantes sur ton état : tu me parois aimable.

Le Cap. Je voudrois, Monsieur, pouvoir vous en dire autant. Je sais bien que nous ne sommes pas nécessaires à la religion, mais nous y faisons du bien.

L’Esprit. Pouvez-vous la démontrer ? C’est ce que n’a jamais pu faire un Évêque, ni Port-Royal, ni le collège de Louis-le-Grand, ni la Sorbonne.

Le Cap. Avez-vous des preuves contre ? C’est ce que n’ont jamais pu avoir Hobbes, Spinosa, Vanini, dont le cerveau fut plus brûlé que le corps, et qu’on auroit bien mieux fait de mettre aux petites-maisons.

L’Esprit. Catholique et moine, vous n’êtes pas cruel ! comment, les bûchers, la vengeance…..

Le Cap. Il falloit me dire : Tu parois capucin, et tu sais pardonner.