Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/332

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père craignoit que je n’épousasse la fille d’un de ses amis, que son père destinoit à un parti bien plus riche. Je ne vis d’autre moyen, pour me soustraire à l’amour que j’éprouvois, que de me jeter au pied des autels, et Dieu m’ouvrit ses bras de consolation et de miséricorde. La jeune personne que j’aimois suivit mon exemple, pour ne pas se donner à un autre : elle fit des vœux de tranquillité qui la rendent parfaitement heureuse ; et moi je passe ma vie à célébrer des mystères que vous ne croyez pas, et que je crois, sans chercher à les comprendre.

L’Esprit. N’étoit-ce pas assez d’être catholique et prêtre, sans te faire superstitieux ?

Le Cap. Je m’en vais vous expliquer ce mot, auquel ceux qui, sans le savoir, sont injustes envers la religion, ont attaché un caractère odieux. L’amour que j’ai connu, et dont je vous ai parlé, a sa superstition. Sec et aride, il finit, ainsi que la religion y qui, quelle que soit sa valeur réelle, doit se soutenir par l’enthousiasme. Malheur à celui qui ne va pas baiser en secret le gant, le schal, l’éventail de sa bienaimée. Un cheveu de ma maitresse, une fleur qu’elle avoit laissé tomber et que je portois huit jours sur mon cœur ;

________________les bois, les lieux,
Honorés par ses pas, éclairés par ses yeux, etc.


tout m’étoit précieux, tout m’enchantoit.

L’Esprit. On voit que La Fontaine fait parler les animaux : tu viens de le citer.

Le Cap. Je sais encore bien d’autres morceaux de lui : par exemple, le philosophe scythe.