Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ôte de chez lui les branches les plus belles,
Il tronque son verger contre toute raison, etc.


Voilà ce qu’ont fait les gens d’esprit.

L’Esprit. Comment donc ! je te croyois ignorant comme un Capucin : au fait, blasphémateur, peux-tu comparer ta religion à ton amour ?

Le Cap. Je compare mon ame à la vôtre, c’est-à-dire l’enthousiasme au fanatisme : l’un n’est que pour le bien et le beau, l’autre ne fait que du mal. On est fanatique contre les autres, si l’on peut s’exprimerainsi ; mais ou n’est su pei’stitieux quepour soi.

L’Esprit. Tu as parlé, toi-même, tantôt de l’inquisition ?

Le Cap. Oui, sans doute, quand le révérend père Dominicain faisoit dresser des bûchers, il étoit fanatique ; quand il entendoit trois messes par jour, il n’étoit que superstitieux.

L’Esprit. Tu as l’air toi-même de t’en moquer.

Le Cap. Mon Dieu que les gens d’esprit comprennent peu à présent ce que disent ceux qui n’en ont pas ! Quel mal font ces trois messes ? Elles servent de consolation à l’heureux crédule. En un mot, la superstition me paroit à la religion comme ces bagues qui ne sont pas si précieuses, mais qu’on porte au doigt pour ne pas perdre celles qui le sont. C’est un petit anneau d’or qui préserve ou conserve le diamant inestimable. M’entendez-vous à présent ?

L’Esprit. J’entends, et je lève les épaules : je ne crains et je ne crois rien.

Le Cap. Je crains et je crois tout.