Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/343

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plus vous vous cachez, et plus vous êtes en évidence ; plus vous êtes sauvage, et plus vous devenez un homme public.

Ses yeux étoient comme deux astres. Son génie rayonnoit dans ses regards, et m’électrisoit. Je me rappelle que je finis par lui dire, les larmes aux yeux, deux ou trois fois : Soyez heureux, Monsieur ; soyez heureux malgré vous. Si vous ne voulez pas habiter le temple que je vous ferai bâtir dans cette souveraineté que j’ai en Empire, où je n’ai ni parlement, ni clergé, mais les meilleurs moutons du monde, restez en France. Si, comme je l’espère, on vous y laisse en repos, vendez vos ouvrages, achetez une jolie petite maison de campagne près de Paris, entrouvrez votre porte à quelques-uns de vos admirateurs, et bientôt on ne parlera plus de vous.

Je crois que ce n’étoit pas son compte : car il ne seroit pas même demeure à Ermenonville si la mort ne l’y avoit pas surpris. Enfin, touché de l’effet qu’il produisoit sur moi, et convaincu de mon enthousiasme pour lui, il me témoigna plus d’intérêt et de reconnoissance qu’il n’avoit coutume d’en montrer à l’égard de qui que ce soit : et il me laissa, en me quittant, le même vide qu’on sent à son réveil après avoir fait un beau rêve.