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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

table caractère du favori. Le crime de l’autre était d’avoir prononcé, lorsqu’il commandait en Asie, une sentence équitable contre une des indignes créatures de Cléandre[1]. Après la chute de Perennis, les terreurs de Commode s’étaient montrées sous les apparences d’un retour à la vertu. On l’avait vu casser les actes les plus odieux de ce ministre, livrer sa mémoire à l’exécration publique, et attribuer à ses conseils pernicieux les fautes d’une jeunesse sans expérience. Ce repentir ne dura que trente jours, et la tyrannie de Cléandre fit souvent regretter l’administration de Perennis.

Sédition. Mort de Cléandre.

La peste et la famine vinrent mettre le comble aux Calamités de Rome[2]. Le premier de ces maux pouvait être imputé à la juste colère des dieux : on crut s’apercevoir que le second prenait sa source dans un monopole de blés soutenu par les richesses et par l’autorité du ministre. On se plaignit d’abord en secret ; enfin le mécontentement public éclata dans une assemblée du cirque. Le peuple quitta ses amusemens favoris pour goûter le plaisir plus délicieux de la vengeance. Il courut en foule vers un palais situé dans un des faubourgs de la ville, et l’une des maisons de plaisance de l’empereur. L’air retentit aussitôt de clameurs séditieuses. L’on demandait à haute voix la tête de l’ennemi public. Cléandre,

  1. Hist. Aug., p. 48.
  2. Hérodien, l. I, p. 28 ; Dion, l. LXXII, p. 1215 : celui-ci prétend que, pendant long-temps, il mourut par jour à Rome deux mille personnes.