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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

fois les sommes qu’elles avaient payées pour le service de son compétiteur[1].

Animosité de Sévère contre le sénat.

Tant que ce prince eut des ennemis à combattre, sa cruauté fut, en quelque sorte, retenue par l’incertitude de l’événement et par sa vénération affectée pour les sénateurs. La tête sanglante d’Albinus, la lettre menaçante dont elle était accompagnée, annoncèrent aux Romains que Sévère avait pris la résolution de n’épargner aucun des partisans de son infortuné rival. Persuadé qu’il n’avait jamais eu l’affection du sénat, il avait juré à ce corps une haine éternelle ; et il faisait éclater tous les jours son ressentiment, en prétextant la découverte récente de quelque conspiration secrète. Il est vrai qu’il pardonna sincèrement à trente-cinq sénateurs accusés d’avoir favorisé le parti d’Albinus ; il s’efforça même par la suite de les convaincre qu’il avait non-seulement pardonné mais oublié leur offense présumée ; mais dans le même temps il en fit périr quarante-un autres[2], dont l’histoire nous a conservé les noms. Leurs femmes, leurs enfans, leurs cliens, subirent le même supplice, et les plus nobles habitans de la Gaule et de l’Espagne furent pareillement condamnés à mort. Une justice aussi rigide, comme il

  1. Dion, l. LXXIV, p. 1250.
  2. Dion (l. LXXV, p. 1264) ne fait mention que de vingt-neuf sénateurs ; mais l’Histoire Auguste en nomme quarante-un, parmi lesquels il y en avait six appelés Pescennius. Hérodien (l. III, p. 115) parle en général des cruautés de Sévère.