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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/293

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et de ses évêques ; mais il avait aliéné la nation en recevant une horde errante de Comans, composée de quarante mille familles. Un soupçon de trahison et le meurtre de leur prince excitèrent ces hôtes sauvages à la révolte. Tout le pays au nord du Danube fut perdu en un jour, et dépeuplé dans un été, les ruines des villes et des églises furent parsemées des ossemens des citoyens qui expièrent les péchés des Turcs leurs ancêtres. Un ecclésiastique échappé du sac de Waradin, a donné la description des calamités dont il avait été le témoin ; et les fureurs sanguinaires des siéges et des batailles sont infiniment moins atroces que la perfidie qu’éprouvèrent les fugitifs. Après les avoir attirés hors des bois sous la promesse du pardon et de la paix, on les égorgea de sang-froid lorsqu’ils eurent achevé les travaux de la moisson et de la vendange. Durant l’hiver, les Tartares passèrent le Danube sur la glace, et s’avancèrent vers Gran ou Strigonium, colonie Germaine et capitale du royaume. Ils dressèrent trente machines contre les murs, comblèrent les fossés avec des sacs de terre et des cadavres ; et à la suite d’un massacre sans choix, le kan fit égorger en sa présence trois cents nobles matrones. De toutes les villes et forteresses de la Hongrie, il n’en demeura que trois sur pied après l’invasion ; et l’infortuné Bela courut se cacher dans les îles de la mer Adriatique.

La terreur se répandit dans le monde latin : un Russe fugitif porta l’alarme en Suède ; les nations des bords de la Baltique et de l’Océan tremblèrent à l’ap-