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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/440

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teur, que son caractère sacré mettait à l’abri des armes qu’il employait si efficacement contre les magistrats civils. Les appels anéantissaient leur grande charte ou le droit d’élection ; on l’éludait par des commendes, on le déjouait par des survivances, et il était obligé de céder à des réserves arbitraires[1]. La cour de Rome institua une vente publique qui enrichissait les cardinaux et les favoris du pape des dépouilles de toutes les nations ; celles-ci voyaient les principaux bénéfices de leur territoire s’accumuler sur la tête des étrangers et des absens. Durant leur résidence à Avignon, l’ambition des papes se convertit en avarice et en débauche[2]. Ils imposaient rigoureusement sur le clergé le tribut des dîmes et des premiers fruits ; mais ils toléraient ouvertement l’impunité des vices, des désordres et de

  1. Dans le Traité delle Materie Beneficiarie de Fra Paolo (quatrième volume de la dernière et la meilleure édition de ses Œuvres), il développe avec autant de liberté que de profondeur tout le système politique des papes. Quand Rome et sa religion seraient anéanties, ce volume précieux leur survivrait comme une excellente histoire philosophique et un avertissement salutaire.
  2. Le pape Jean XXII, lorsqu’il mourut à Avignon en 1334, laissa dix-huit millions de florins d’or, et la valeur de sept millions de plus en argenterie et en bijoux. Voyez la Chronique de Jean Villani (l. XI, c. 20, dans la Collection de Muratori, t. XIII, p. 765), dont le frère apprit ces détails des trésoriers du pape. Un trésor de six ou huit millions sterling, dans le quatorzième siècle, paraît énorme et presque incroyable.