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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 12.djvu/63

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devant lui ; il employait les menaces, les instances et les promesses pour animer l’activité de ses rameurs ; son vaisseau aborda le premier, et Dandolo précéda tous les guerriers sur le rivage. Les peuples admirèrent la magnanimité d’un vieillard aveugle, sans réfléchir que son âge et ses infirmités diminuaient autant pour lui le prix de la vie, qu’ils augmentaient celui de la gloire qui ne meurt jamais. Tout à coup une main invisible (le porte-étendard ayant probablement été tué) planta sur le rempart l’étendard de la république. Les Vénitiens s’emparèrent rapidement de vingt-cinq tours, et le cruel expédient de l’incendie chassa les Grecs du quartier environnant. Le doge avait fait annoncer ses succès à ses alliés, lorsque la nouvelle de leur danger vint l’arrêter au milieu de sa course ; il déclara noblement qu’il aimait mieux se perdre avec eux que de remporter la victoire en les laissant périr. Abandonnant ses avantages, il rappela ses troupes et courut à leur secours. Il trouva les restes harassés des six divisions françaises environnés par soixante escadrons de cavalerie grecque, dont un seul surpassait en nombre la plus forte division des Français. La honte et le désespoir avaient déterminé enfin Alexis à tenter le dernier effort d’une sortie générale ; mais la contenance ferme des Latins anéantit son espérance et sa résolution. Après avoir escarmouché de loin, il disparut avec ses troupes sur la fin du jour. Le silence ou le tumulte de la nuit augmenta sa terreur : l’usurpateur épouvanté fit transporter dans une bar-