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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/187

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aurait pu être égale ainsi que leur rang. Mais lorsque la faim et l’oppression eurent porté le désespoir dans l’âme des Visigoths, Fritigern, fort supérieur en talens à son collègue, prit seul le commandement militaire, dont il était capable de faire usage pour le bien public. Il suspendit l’impétuosité des Visigoths jusqu’au moment où les insultes de leurs oppresseurs pourraient justifier la résistance dans l’opinion publique : mais il n’était pas disposé à sacrifier à une vaine réputation de justice et de modération des avantages d’une solidité plus réelle. Sentant de quelle utilité serait à son parti la réunion de tous les Goths sous les mêmes étendards, il cultiva secrètement l’amitié des Ostrogoths ; et affectant d’obéir aveuglément aux ordres des généraux romains, il avança lentement avec son armée jusqu’à Marcianopolis, capitale de la Basse-Mœsie, environ à soixante-dix milles du Danube, et ce fut en ce lieu fatal que l’explosion de la discorde et de la haine mutuelle éclata dans une révolte générale. Lupicinus avait invité les chefs des Goths à un superbe festin, et leur suite guerrière restait sous les armes à la porte du palais : mais les portes de la ville étaient exactement gardées, et les Barbares se trouvaient exclus d’un marché abondant, auquel ils croyaient avoir droit comme alliés et comme sujets de l’Empire romain. On rejeta leurs instances avec hauteur et dérision ; leur patience était épuisée, et bientôt les soldats et les Goths se trouvèrent mêlés dans un violent combat d’injures et de reproches. Un premier coup fort imprudemment porté, et une épée