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Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/97

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État des Bretons.

Un moine qui, malgré sa profonde ignorance choses du monde, a entrepris d’écrire l’histoire, défigure d’une étrange manière l’état de la Bretagne au moment où elle se sépara de l’empire d’Occident. Saint Gildas[1] fait en style fleuri un tableau brillant des progrès de l’agriculture, du commerce étranger dont chaque marée venait déposer les tributs dans la Tamise et dans la Saverne, de la construction solide et hardie des édifices publics et particuliers : il blâme le luxe coupable des Bretons, d’un peuple qui, si on veut l’en croire, ne pouvait, sans le secours des Romains, ni élever des murs de pierre, ni fabriquer des armes de fer pour défendre ses foyers[2]. Sous la longue domination des empereurs, la Bretagne était insensiblement devenue une province policée et servile, dont la défense dépendait d’une puissance éloignée. Les sujets d’Honorius contemplèrent, avec un mélange de surprise et de terreur, leur liberté récente. Il les abandonnait dépourvus de toute constitution civile ou militaire ; et leurs chefs incertains manquaient également de courage, d’intelligence et d’autorité pour diriger les forces publiques contre l’ennemi commun. L’arrivée des Saxons décela leur faiblesse, et dégrada le caractère du

  1. Voyez saint Gildas, De excidio Britanniæ, c. 1, p. 1, édit. de Gale.
  2. M. Whitaker (Hist. de Manchester, vol. II, p. 503-516) a démontré d’une manière vive et frappante cette absurdité palpable que la plupart des historiens généraux ont négligée pour s’occuper de faits plus intéressans.