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Jardins de Biskra.

Le temps gris d’aujourd’hui ; mimosas parfumés. Tiédeur mouillée. Des gouttes épaisses ou larges, flottantes, et comme en formation dans l’air… elles s’arrêtent aux feuilles, les chargent, puis tombent brusquement.

… Je me souviens d’une pluie d’été ; — mais était-ce encore de la pluie ? — ces gouttes tièdes qui tombèrent, si larges et pesantes, sur ce jardin de palmes et de jour vert et rose, si lourdes que des feuilles et des fleurs et des branches roulèrent, comme un don amoureux de guirlandes défaites à foison sur les eaux. Les ruisseaux entraînaient les pollens pour des fécondations lointaines ; leurs eaux étaient troubles et grasses. Dans les bassins les poissons se pâmaient. On entendait au ras de l’eau l’éclosion de la bouche des carpes.

Avant la pluie, le vent du midi qui râlait avait enfoncé dans la terre une très profonde brûlure, et les allées maintenant s’emplissaient de vapeur sous les branches ; les mimosas ployaient, comme abritant les bancs où s’étalait la fête. — C’était un jardin de délices ; et les hommes vêtus de