Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

… Nathanaël ! je ne peux plus commencer un seul vers, sans que ton nom délicieux y revienne…

Nathanaël, je voudrais te faire naître à la vie…

Nathanaël — est-ce que tu comprends assez le pathétique de mes paroles ? — Je voudrais m’approcher de toi plus encore…

Et, comme, pour le ressusciter, Élisée, sur le fils de la Sulamite — « la bouche sur sa bouche, et les yeux sur ses yeux — et les mains sur ses mains s’étendit » — mon grand cœur rayonnant contre ton âme encore ténébreuse, m’étendre sur toi tout entier, ma bouche sur ta bouche, et mon front sur ton front, tes mains froides dans mes mains brûlantes, et mon cœur palpitant… « Et la chair de l’enfant se réchauffa », est-il écrit… Afin que dans la volupté tu t’éveilles — puis me laisses — pour une vie palpitante et déréglée. — Nathanaël, voici toute la chaleur de mon âme… emporte-la. Nathanaël, je veux t’apprendre la ferveur.

Nathanaël — car ne demeure pas auprès de ce qui te ressemble ; — ne demeure jamais, Nathanaël. — Dès qu’un environ a pris ta ressemblance, ou que toi tu t’es fait semblable à l’environ —