Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/141

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Il s’est, devant la honte, enfui dans la misère.
Du même coup, le sort l’a deux fois exilé,
Puisqu’au scintillement de l’azur étoilé
Sa Muse pour toujours a fermé sa paupière.

Toute l’affliction, tout le deuil, tout le fiel
De sa tragique fin l’a rendu vénérable ;
Non moins que le génie au souffle impérissable,
La profonde douleur l’a rapproché du ciel !


III



Les bords du Saint-Laurent reverront le vieux maître,
Car nous joindrons bientôt, pour le faire renaître,
La majesté du marbre à l’éternel airain.
Pour qu’il ne souffre plus et jamais ne s’envole,
Nous le scellerons bien dans le double symbole
De l’airain qui demeure et du marbre serein.

Quand il sera debout, si parfois la poussière
Que soulève le vent des grands chemins, altère
L’éclat des traits de bronze ou du blanc piédestal,
L’aube compatissante aux splendeurs profanées,
Avant que l’astre roi n’éveille les journées,
Lavera cet affront dans son divin cristal.

Et dans l’immensité de notre âme fervente,
Nous lui ferons une autre aurore éblouissante
Dont les pleurs laveront les taches du passé.
Sur sa gloire, à nos yeux déjà marmoréenne,
Comme sur la statue où l’aube en pleurs s’égrène
Quelque chose de pur aura tout effacé.