Page:Gill - Le Cap Éternité, 1919.djvu/15

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magnifiques, habitant plus souvent le pays bleu des chimères que les rues prosaïques des cités grises ; idéaliste qu’immobilisait dans le songe une totale absence d’ambition ; ne se souvenant plus, l’instant d’après, des rendez-vous solennellement donnés, mais doué par ailleurs d’une étonnante mémoire ; complètement dépourvu de sens pratique, et s’embarquant, sans rames ni voiles, dans toute affaire aventureuse ; ordinairement victime de candides imprévoyances et de prévisions trop optimistes, ― tel était, du moins en ses côtés saisissables, le chantre du Cap Éternité, Charles Gill : la figure la plus caractéristique de la littérature canadienne française contemporaine.

Âme de tendresse, éprise du Beau dans les hommes et dans les choses ; âme impulsive, ardente, prompte à s’élancer, incapable de se retenir, de se modérer ; âme impérieuse, rebelle à toute discipline ; âme diverse, ondoyante ; âme excessive ; âme charmante.

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Parmi tous les amours qui encombrèrent l’âme de Gill, un seul demeura merveilleusement vivace : l’amour de la poésie française. Plus que la peinture, qu’il appréciait pourtant, la poésie l’enchantait. C’est à la poésie qu’il consacra la majeure partie de ses heures fructueuses, et qu’il demanda le suprême remède aux souffrances de ce monde, dont il eut une somme considérable. Son poème l’a tenu penché sur sa table de travail, ― quand il décidait d’y peiner ― dans les « affres » d’un labeur parfaitement heureux. S’il aimait la poésie pour elle — même, nous croyons aussi qu’il s’y livrait par besoin d’échapper à de pénibles réalités : elle lui faisait tant oublier ! Il implorait son aide, et la Muse consolatrice déployait silencieusement son aile sur le front de son enfant…