Page:Gillet - Histoire artistique des ordres mendiants.djvu/33

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sortir de là. L’influence de saint François sur les arts est un mythe, si elle ne s’est pas exercée, comme toute autre du même genre, à travers la société dont il est le fondateur. Nulle ou presque nulle en un sens, si on veut la rendre immédiate, directe et personnelle, elle est en revanche considérable, si l’on veut bien admettre qu’elle s’est développée en fonction du temps, et par l’intermédiaire d’une famille humaine. C’est par leur ordre, c’est par la création de ces races morales, que les grands fondateurs s’emparent de l’avenir. Que sert de dire que ces familles, comme les naturelles, tendent sans cesse à dégénérer, et qu’il y a toujours, dans les œuvres humaines, de l’écart entre le rêve et la réalité ? Pourtant l’analogie ne saurait être complète, les familles spirituelles demeurant en partie maîtresses de leurs destinées, libres de leurs choix et de leurs vocations, et disposant ainsi de la faculté indéfinie de se purifier en se rapprochant de leur source.

Qu’on doive envisager ainsi les choses, en voulez-vous une preuve ? Vous savez que de très bonne heure, du vivant même de saint François, il se produisit dans l’ordre de graves dissentiments au sujet de la règle. La question de la pauvreté, ou du degré d’héroïsme qu’il convenait d’apporter dans le renoncement, devint bientôt une cause endémique de crises, où la dignité de l’ordre et son existence même menacèrent de sombrer. De là les divers mouvements que suscita pendant la seconde moitié du XIIIe siècle, la fraction exaltée du parti franciscain, Fraticelles de Provence, Spirituels ou Pauvres Ermites de la Marche d’Ancône, mouvements séditieux, turbulents, dont la peinture a plus d’une fois tenté les historiens du milieu intellectuel et moral de cette époque. Ces petites factions, ces chapelles opiniâtres, qu’on nous donne pour les héritières de l’esprit francis-