Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(12)

J’ai réduit de beaucoup ces reproches ; mais peut-être les ai-je encore pouſſés trop loin : peut-être ai-je fait trop bonne la part de l’envie & de la haine. Car enfin, Madame de Warens n’a laiſſé ni enfans, ni héritiers de ſon nom, ni parens aſſez proches pour s’honorer de ce qui l’honore, & pour avoir à rougir de ce qui la flétrit. N’ayant jamais jeté de voile ſur ſon inconduite, tout Annécy, tout Chamberry en avoient connoiſſance. Si les Confeſſions ont pénétré dans ces deux Villes, elles n’y auront, à cet égard, rien appris à perſonne, tandis qu’en France, & dans tout le reſte de l’Europe, le nom de Madame de Warens eſt comme un nom de Roman, & ne dit rien de plus aux lecteurs que ne leur dit, dans l’Héloïſe, celui de Madame d’Orbe ou de Madame de Wolmar.

Ce n’eſt pas ainſi, je le fais, que raiſonne l’eſprit de parti : tout blâmer ou tout abſoudre eſt ſa méthode ; & malheureuſement la pareſſe eſt trop ſouvent en ceci complice de la malignité : mais c’eſt ce que je vous invite, Madame, c’eſt ce que j’inviterai tout eſprit juſte à ne pas perdre de vue, avant d’aſſeoir un jugement ſur ce point, ſi aigrement, ſi violemment reproché à l’Auteur des Confeſſions.

Il y auroit eu trop de mauvaiſe humeur à lui faire un crime d’avoir ſaiſi les travers de quel-