Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/21

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renonçât à l’ouvrage même ; puiſque c’en eſt ici le nœud ; puiſque cette erreur fut, ſoit en réalité, ſoit au moins dans ſon opinion, la ſource de tous les malheurs de ſa vie.

Voilà, je crois, les ſeuls reproches qu’on puiſſe lui faire, & qu’on ne ſeroit même pas à tout autre qu’à lui. Et quel eſt l’auteur de Mémoires qui en ait écarté les intrigues d’amour & les galanteries ? Ce n’eſt donc qu’à la réſerve habituelle & à la chaſteté de ſa plume, ce n’eſt qu’à ſes opinions ſur la vertu des femmes, à l’auſtérité de ſes principes, à l’élévation de ſa morale, qu’il doit d’être jugé ſur cet article avec tant de rigueur.

Diſons plus, lorſque parut pour la première fois cet Ouvrage ſi long-temps annoncé, on prit pour les cenſures de la délicateſſe, & pour les ſcrupules de la diſcrétion bleſſée, les cris de l’envie & de la haine, couvertes du faux maſque de la délicateſſe & de la diſcrétion. Elles défendoient ſur-tout, avec la chaleur de l’amitié, cette Madame de Warens, morte depuis plus de vingt ans, & inconnue à tout le monde. Les honnêtes gens, qui ſentent ſouvent plus qu’ils ne réfléchiſſent, ſuivirent l’impulſion donnée ; & la tourbe des gens du bel air, qui timpaniſeroient vingt femmes dans un jour, ne manqua pas de ſe montrer horriblement ſcandaliſée.