Page:Ginguené - Lettres sur les Confessions de J. J. Rousseau, 1791.djvu/28

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vois rien à quoi puiſſe convenir tout le bruit qu’on en a fait. L’Auteur n’a dit que ce qui ſe lioit néceſſairement aux aventures de ſa vie & ce qui pouvoit ſervir à ſa défenſe, ſans nier ou diſſimuler ſes torts, même avec ſes ennemis. Il n’a voulu paroître, ni les faire paroître autres qu’ils n’étoient réellement, ou du moins qu’il ne les voyoit & qu’il ne ſe voyoit lui-même. Il ne devoit donc pas écrire autrement ſes Confeſſions : il devoit ſur-tout les écrire, & honorer ſa mémoire par ce monument d’une véracité ſans exemple. Ce que des amis tels qu’un Duclos, un Moultou, un Du-Peyrou, & d’autres de cette trempe ont conſeillé ou approuvé, qui le blâmera, s’il n’eſt perſonnellement intéreſſé dans cette affaire ? & s’il l’eſt, de quel poids doit être ſon blâme pour tous ceux qui ne le ſont pas ?

Quel homme s’il n’eſt inacceſſible à la raiſon & à la pitié ne ſera pas convaincu, attendri, & trouvera quelque chofe à répondre, lorſque Rouſſeau lui dira : « ſi ma mémoire devoit s’éteindre avec moi, plutôt que de compromettre perſonne, je ſouffrirois un opprobre injuſte & paſſager ſans murmure ; mais puiſqu’enfin mon nom doit vivre, je dois tâcher de tranſmettre avec lui le ſouvenir de l’homme infortuné qui le porta, tel qu’il fut réel-