Page:Girard - Florence, 1900.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
FLORENCE

porte, et je ne puis la quitter… Choisis, pour te défendre, pour défendre ton glorieux drapeau sur lequel je n’ai même plus le droit de lever les yeux, un homme plus homme, un homme pour qui tu es quelque chose de plus élevé que l’amour d’une femme, que les grandeurs, que les richesses ; un homme enfin qui ait au cœur la rage de l’Angleterre qui a pris naissance dans le sang intoxiqué et la bave immonde de l’ange que Jéhova, d’un regard, précipita dans l’abîme !

« Que faire, mon Dieu, que faire !…

« Viens, ma Florence, viens, fille chérie, viens que je te presse contre mon cœur ! »

La jeune fille, éperdue, se jette dans ses bras. Elle éclate en sanglots et appuie sa tête renversée sur son épaule. Son sein gonflé se soulève sous les spasmes de son désespoir.

Hubert, à cette vue, se sent faiblir de plus en plus. C’en est fait… Il va commettre une lâcheté…

Non !…

Il est une chose supérieure à l’amour : c’est l’honneur, c’est la patrie.

Le sacrifice est grand, mais il videra ce calice amer jusqu’à la lie, dût-il lui en coûter la vie.

— Mais que dis-je ? poursuit-il ; moi abandonner ma patrie pour l’amour d’une femme : ne suis-je donc plus ce Canadien-français que ma mère endormait jadis sur ses genoux en chantant les refrains des héroïques gestes de nos aïeux ? Ne suis-je plus le Canadien-français à qui mon père a dit sur son lit de mort :« Mon fils, le jour où tu trahiras la cause sainte entre toutes de la patrie, tu deviendras un être plus abject