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FLORENCE

Chez le père Prunel, les jeunes gens commencent à arriver, les uns en voiture, les autres à pied.

— Bonsoir, Antonia, bonsoir Pitou. Tiens, voilà Alphonsine. Bonjour tout le monde.

— Tu n’es pas pire, Maria ?

— Non, ma chère. Et toi ?

Voilà Mélanie et Clarisse ! Ces jolies sœurs, il y a un siècle qu’on ne les a vues ! Et nous les aimons tant.

Et ainsi de suite. On s’embrassait, on se donnait la main, on se faisait des questions sans attendre la réponse.

Tandis que les fillettes allaient ôter leurs chapeaux et leurs manteaux, ou arranger leurs cheveux, les garçons dételaient ou fumaient une pipe.

Le blé-d’Inde était en retard d’un mois, cette année là. Voilà pourquoi les épluchettes l’étaient aussi.

Entassés dans un coin de la cuisine, une hécatombe d’épis de blé-d’Inde. Ils sont là comme une foule de prisonniers de guerre, avec leurs robes vertes et leurs chevelures tortillés à l’iroquoise.

Ils attendent le supplice.

Les veillées sont longues en novembre. Jeunes et vieux, mais surtout des jeunes, sont assis autour de la cuisine, grande comme un pont de navire. Au milieu des éclats de rire, des interpellations, des œillades, les tourments commencent.

C’est la torture des épluchettes.

Les pelures volent en l’air avec un bruit sec, puis retombent sur le plancher ou se mêlent aux cheveux des jeunes filles.

On rit. On se bouscule. Tout à coup, une émeute éclate. Les épis servent de mitraille et de boulets.