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conspects ! Nos murs sont diaphanes ; nos pas sont écoutés ; nos paroles sont recueillies. Tout ce qui se dit et se fait aboutit par des fils invisibles et délateurs à l’officine centrale de la rue de Jérusalem. Cela fait trembler !!!

Au château de madame de Lorgeval !

J’allais sur le quai des Orfévres, en me répétant cette phrase avec toute sorte d’intonations : Au château de madame de Lorgeval !

Après une absence décennale, je ne connais plus personne à Paris. J’y suis étranger comme un ambassadeur de Siam… Qui peut connaître madame de Lorgeval ?

M. de Balaincourt seul, à Paris, peut me répondre. C’est un armorial vivant.

Un cabriolet de remise me précipite devant l’hôtel de M. de Balaincourt.

L’oracle des gentilshommes me répond : Madame de Lorgeval est une fort belle personne de vingt-quatre à vingt-six ans. Elle a une magnifique voix de mezzo-soprano et cent mille francs de rente. Elle est élève de madame de Mirbel pour la miniature, et de madame Damoreau pour le chant. L’hiver dernier, elle a chanté, dans un concert de bienfaisance, avec la comtesse Merlin, le beau duo de Norma.

Je demandai d’autres détails, par luxe de curiosité. Le luxe devint l’indispensable, comme toujours.

Madame de Lorgeval est la sœur du beau Léon de Varèzes.

Trait de lumière rayon de soleil dans un nuage noir ! Le beau Léon de Varèzes ! le laid idéal de la beauté troubadour ! un fat ciselé par son tailleur, et qui passe sa vie à se faire refléter par quatre miroirs moins glaces que lui !

Je serrai les mains de M. de Balaincourt, et je me replongeai dans mon tourbillon de Paris.

Si le beau Léon n’était que hideux, cette monstruosité de la nature me laisserait dans mon indifférence envers lui ; mais il a des droits plus sacrés à ma haine. Vous allez voir.

Le beau Léon a demandé en mariage mademoiselle de