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Sidoine, monsieur.

— C’est votre petit nom ?

— C’est le nom de mon parrain ; saint Sidoine, 23 août.

— Ah ! il y a un saint Sidoine ?… Ensuite… Sidoine ?…

— Tarboriech.

— Vous êtes Allemand ?

— De Toulon, en face de l’Arsenal.

Pendant ce dialogue, les autres âmes en peine brisaient leur chaînon dans un élan convulsif d’impatience, et le sol tremblait sous un long trépignement de pieds nerveux.

L’employé, toujours calme, effeuillait d’un doigt méthodiquement recourbé un faisceau de cent lettres, et quelquefois il s’arrêtait lorsque les hiéroglyphes de la poste effaçaient une adresse sous une éclipse totale de timbres, de jambages et de numéros croisés ; car le préposé qui timbre et cote les lettres choisit toujours avec soin le nom de l’adresse pour le voiler d’un nuage opaque et noir. Les mœurs du timbre le veulent apparemment ainsi.

Le dialogue continua :

— Pardon, monsieur, dit l’employé, votre nom… est-ce Dar ou Tar ?

Tar, monsieur, Tar…

— Par un D ?

— Un T ; Tarboriech.

— Nous n’avons rien.

— Oh ! monsieur, c’est impossible. Il y a une lettre, positivement.

— Il n’y a rien, monsieur, à la lettre T, rien.

— Avez-vous cherché à mon prénom, à Sidoine ?

— Mais, monsieur, nous ne mettons pas les lettres à la case des prénoms.

— C’est que, voyez-vous, monsieur, comme je suis le cadet, on m’appelle aujourd’hui Sidoine, dans la famille…

Une explosion de murmures éclata dans le purgatoire