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de Grenade, je le lui remplirai de louis ou de pastilles, à son choix.

Quant à sa robe, j’avoue sans honte qu’elle était de mousseline-laine, mais c’était une de ces robes dont les couturières se réservent le secret. Je ne sais quoi de juste et d’aisé en même temps, une coupe parfaite rencontrée de loin en loin par Palmyre dans ses jours d’inspiration ; un mantelet de taffetas noir, un petit chapeau de paille avec un ruban tout plat et un voile de gaze verte à demi-rejeté complétaient cette parure ou plutôt cette absence de parure.

Ah ! diable, j’allais oublier les gants ! Les gants sont la partie faible du costume des grisettes. Pour être frais, ils doivent être renouvelés souvent, mais ils coûtent le prix de deux journées de travail. Celle-ci avait donc, ô douleur ! de faux gants de Suède que la vérité me force à estimer à la valeur de dix-neuf sols, ou quatre-vingt-quinze centimes, pour me conformer à la nouvelle phraséologie monétaire.

Un cabas de tapisserie médiocrement gonflé était posé à côté d’elle. Que pouvait-il contenir ? — quelque roman de cabinet de lecture ? — Rassurez-vous, il n’y avait dans ce cabas qu’un petit pain et un sac de bonbons de chez Boissier, comestibles délicats qui jouent un rôle important dans mon histoire.

Maintenant, il faut que je vous tire un crayon exact de la figure de cette jolie Parisienne ; — car elle l’est. — Une Parisienne peut seule porter de la sorte un chapeau de quinze francs.

J’ai pour les chapeaux une haine profonde ; pourtant, je ne puis m’empêcher de convenir qu’en certaines occasions ils ne font pas un effet trop désagréable ; ils représentent une espèce de fleur bizarre, dont le cœur est formé par une tête de femme : une rose épanouie qui au