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lieu d’étamine et de pistils, porte à son centre des œillades et des sourires.

La voilette, rabattue à demi, ne laissait apercevoir du visage de l’inconnue qu’un menton d’une régularité parfaite, une petite bouche de framboise et la moitié du nez, peut-être les trois quarts. — Quelles jolies narines finement coupées, roses comme des coquillages de la mer du Sud ! le haut était baigné d’une ombre argentée, transparente, sous laquelle on devinait les palpitations des cils et le feu humide des regards. Pour les joues, — il faut que vous attendiez la suite des événements si vous désirez des renseignements plus amples ; car les ailes de son chapeau, bridées par le ruban, m’en dérobaient les contours ; ce que j’en voyais était d’une pâleur rosée et délicate, également éloignée de la grosse santé et de la maladie. — Les yeux et les cheveux formeront un paragraphe spécial.

Maintenant que vous voilà suffisamment édifié au sujet de la perspective dont votre ami jouissait du fond de sa stalle dans la diligence du chemin de fer entre Mantes et Pont-de-l’Arche, je vais passer à un autre exercice très-recommandé dans les traités de rhétorique, et décrire, par manière de repoussoir et de contraste, le monstre féminin qui servait d’ombre à cette idéale grisette.

Cette affreuse compagnonne me parut fort suspecte. Était-ce une duègne, une mère, une vieille parente ? En tout cas, elle était fort laide, non qu’elle eût une tête de mascaron avec des sourcils en spirales et des babines déchiquetées comme les fosses d’un dauphin héraldique, mais la trivialité lui avait écrasé le masque d’un coup de poing ; ses traits étaient communs, diffus, émoussés. L’habitude d’une servile complaisance semblait leur avoir ôté toute expression propre ; elle avait un regard benin et louche, un sourire vaguement hébété, et cet air de fausse