Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/148

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des pierres, il se plaint en termes bibliques : on le lapide ; un caillou enfin l’atteint, il se tait… C’est ainsi que depuis trois jours nous sommes debout entre deux océans, tous deux en furie, chaque minute alternativement qui nous recouvrent tout entiers, — la victoire et la défaite, l’été et la saison fatale, la confiance et le désespoir.

Parfois tout nous est facile. Nous avançons sur des zones aux noms parents et faciles, Mordancourt, Tricourt, Bersancourt, ou Ravillers, Auvillers, qui nous poussent comme des trottoirs roulants. L’ordre de victoire signé Maunoury nous arrive… On se le passe… Il flotte le long de cette grève dure de tirailleurs, effleurant chacun, comme une mouette… Nous sommes les derniers prévenus de l’armée, nous n’aurons pas à le renvoyer. Pendant une pause, un sergent le roule en boule, le met dans sa poche. Un officier vient le lui reprendre, comme à un chien sa pierre, pour la relancer… Il est relancé… Il fait beau… Nous repartons.