Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/22

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peut-être, un jour qu’il a jeté l’ancre dans un calme petit port ignoré, la minuscule et délicieuse rade de Porto-Fino.

Avec cela, son besoin de locomotion ne procède pas d’un bohémianisme vulgaire. Il n’avait aucun goût pour la roulotte. Il souffrait de la crasse, de l’inconfortabilité des hôtels, des gîtes de hasard. S’il brava la fatigue des étapes, s’il mangea l’affreux potage arabe, s’il but le lait aigre qui a fermenté dans une peau de bouc, c’est qu’il ne lui en coûtait pas de payer de cela le plaisir de voir l’Afrique, la « mystérieuse et troublante » Afrique, le pays de l’alfa, du sirocco et du mirage, et les lacs de sel du Zar’ez, et de sentir sur lui le grand souffle chaud du simoun dévastateur.

Maupassant recherche donc tout ce qui augmente en lui la joie de la vie, qu’il aspire par tous les sens et par tous les pores. Lui-même, il a trouvé la formule nette de cette aptitude essentielle, de cette disposition primordiale à aimer tout ce qui est. Il est un primitif. « J’ai dans les veines, disait-il, le sang des vieux faunes ». Son amour de la nature est proprement un instinct, qui le porte, en certains jours, à jouir de tout « à la façon d’un animal », — de l’air comme un oiseau, de l’herbe comme un cheval, de l’eau comme un poisson.

C’est un sensitif, non un rêveur abstrait. C’est un panthéiste, qui subit irrésistiblement l’attrait des choses et mêle son âme consciente au grand torrent de la vie universelle.



En même temps, ce fougueux naturaliste est un mâle, un sensuel. Sa vision panthéistique des choses s’accorde avec un concept tout sensualiste de l’amour.

L’amour est le grand vertige auquel pas un être vivant