Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/33

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Il adora sa mère, d’un amour filial unique, exalté. Il aima le paternel ami Flaubert, « de toute sa tendresse ». Quand le maître est mort, il lave le corps pour la mise en bière, et il est « inondé de respect », en accomplissant ce pieux devoir. Indulgent envers son propre père, homme léger qui vécut séparé de sa femme, à l’amiable, il fut généreux envers son malheureux frère Hervé, qui devait mourir comme lui, avant lui, à l’asile d’aliénés de Bron, près Lyon, où il est enterré.

Il eut des amis enfin, malgré sa haine des contraintes sociales et son farouche amour de la solitude.[1]

Et, dans son œuvre, quelle source de douceur, d’humanité, de pitié ! À côté des lâches, des inconscients, des criminels qu’il flétrit — et qu’il plaint — quel groupe émouvant de figures, pour lesquelles il s’intéresse, dont il épouse la misère et les souffrances ! Quelle compassion pour les faibles, les humbles, les déshérités : pour la folle, pour l’estropié, l’infirme, la vieille fille et la fille-mère, la servante de ferme, le bureaucrate chétif, l’humble paysan et le petit soldat ! Une pauvresse aperçue parmi la foule, dans l’avenue de l’Opéra, lui chavire le cœur. Un tuberculeux, rencontré, cadavre ambulant, sur une promenade de Cannes, éveille sa profonde pitié.

Ce n’est plus pitié qu’il faut dire ici, c’est charité. C’est la pure charité qui inspire Maupassant dans son amour de l’être faible par excellence, de l’innocente victime — l’Enfant.[2]

Et Maupassant a bien fait parler le cœur des mères, grandes dames ou paysannes. Et il a exprimé toutes les tendresses des vrais amants.

Il n’a pas, peut-être, étalé sa « pitié sociale » — mot nouveau, sentiment vague, quelquefois même trompeur — et

  1. H. Roujon, Bourget, Hérédia, Hugues Le Roux, Zola, Pol Neveux, Ad. Brisson, — pour ne citer que ceux-là — ont excellemment parlé de lui.
  2. Le conte qui porte ce titre dans le recueil Clair de Lune est tout entier d’un sentiment et d’un style délicieux. Et que de fois il a repris ce thème toujours poignant : L’enfant abandonné !