Page:Glaser - Le Mouvement littéraire 1912.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

94 LÉ MOUVEMENt LITTÉRAIRE

vérité, par la richesse verbale de leur description et nous les reconnaissons. Nous faisons avec ces héros un séjour admirable dans ce pays d'aventures et de dou- ceur vers lequel avaient cinglé les Argonautes, nous y goûtons la douceur de ces nuits claires et emplies de tiédeurs parfumées, de cette lumière qui coule comme une onde impalpable; dans le mirage du soir^ parmi les oiseaux fous qui volent au-dessus des oasis, nous croyons, nous aussi, voir apparaître parfois le sage Ulysse descendu de sa barque et Nausicaa aux bras blancs.

Dans toute cette splendeur, dans ce merveilleux décor évoqué adorablement, une histoire d'amour s'ébauche, une belle histoire entre Ginette, la femme de Landry, et le lieutenant Silvère, le gai luron qui com- mande aux « joyeux )) de Gabès; cet amour s'exalte, passionné, frénétique et pur dans ce décor roma- nesque où Ginette rebâtit le roman de sa vie; et puis, il risque de s'échouer tristement à Paris, où le lieute- nant Silvère glisse de son piédestal fait du sable des dunes; cependant, son front auréolé, là-bas, d'un rayon de soleil africain, s'assombrit sous le chapeau melon; il renaît enfin, dans toute sa douceur et toute sa beauté : c'est « la divine chanson » qui se tait un soir, lorsque Ginette reçoit de là-bas une lettre lui annon- çant la mort de son lieutenant.

Cette histoire dont je ne vous ai dit qu'une mince partie est vraiment très belle, d'une poignante, dou- loureuse et large humanité ; elle est réelle, d'un réalisme minutieux et implacable; elle est poétique, d'une exquise et intense poésie : c'est un beau livre.